Dans l’entretien qu’il a accordé à l’occasion de son importante contribution photographique au « Harper’s Bazaard » de septembre 2015, Jean-Paul Goude revient sur sa biographie et sur ses influences artistiques atypiques. Le chemin qui l’attendait, le jeune de Saint- Mandé a eu l’élégance et le cran de l’emprunter. Il était dans les starting-blocks mais il lui fallait encore faire la course et ce n’était pas gagné d’avance. Ce chemin qui l’a conduit à la notoriété a été alimenté par un mélange de culture artistique américaine et de bon chic bon genre français. Sa mère, jeune acrobate à Brooklyn puis danseuse dans les revues de Broadway , lui a inculqué sa culture : Fred Astaire , Vincent Minelli et bien d’autres; tous ces grands artistes côtoyés par sa mère, que nous connaissons mythiquement étaient ses « oncles » rêvés d’Amérique. Les musiciens, danseurs, peintres, décorateurs, metteurs en scène dont le talent pouvait à bon droit rivaliser avec les artistes de la Renaissance faisaient partie de sa famille de coeur. Son enfance lui aura donné une « sensibilité transatlantique ». Il aime à dire « Je connais beaucoup de choses mais quasiment uniquement dans le sens, Paris New-York, New-York Paris ». Sa mère recevait ses anciennes copines de New-York avec leurs richards de maris en goguette en Europe, tout en feuilletant « Vogue » et « Harper’s Bazaard » dans lesquels le jeune Jean-Paul découvrait les oeuvres des grands peintres illustrateurs comme Keogh, Gruau, David Stone Martin, Ben Shahn, etc. Il se fabriquait son Musée du Louvre. A Saint-Mandé, dans les années 50, le jeune Jean-Paul vivait à 50 mètres du Musée de la France d’outre-mer, un super moyen pour voir des femmes nues immortalisées dans des vitrines, des sculptures où des tableaux . Elles lui ont assurément donné le goût des ethnies Africaines. Il restera fidèle à sa « jungle Fever » par ses amours et ses publicités.. Il habitait aussi à côté du Zoo de Vincennes. Et là, il y avait de quoi rêver d’aventure tout comme son père l’avait fait en partant très jeune aux Etats-Unis pour y chercher fortune. Avec sa mère il apprenait la danse dans le cours qu’elle avait crée à St-Mandé. Il était déjà animé par deux passions, le dessin et la danse.
Dans la catégorie des jeunes artistes dandys, à l’instar d’Antoine Watteau, John Sargent, où James Whistler, Jean-Paul Goude ne lésinait pas sur les signes extérieur de richesse. Lorsqu’il avait 21 ans, une Rolls, même d’occasion, pour aller à ses cours de danse ne lui faisait pas peur. Et il avait pour cela la bénédiction de sa mère. Adolescent, il croquait ses copains en les habillant à la mode de Neuilly Passy. Le week-end ils partaient ensemble aux Champs-Elysées découvrir les tendance vestimentaires du moment. D’après lui la Mode et la danse étaient ses vocations, mais une sorte de crainte liée à son hétérosexualité l’a poussé vers des mondes sexuellement plus conformistes. C’est ainsi qu’il s’est tourné vers l’illustration de presse et la publicité.

De saint-Mandé à New-York

C’est peut-être parce qu’aux U.S.A. il n’y a pas de Ministère de la culture que toutes les formes d’art peuvent s’y épanouir en même temps. Il n’y a pas d’Art officiel. Pas d’omerta contre le figuratif où de quelque sorte d’art que se soit. Les revues sont là bas tout autant des vecteurs de l’art que l’est en France le centre Pompidou. Dans les années 60, la seule revue Française dans laquelle travaillaient des artistes, copiant en cela les Etats- Unis, c’était la revue « Lui » et ce n’est pas par hasard si Jean-Paul Goude il travailla (de1968 à 1972) avant de partir à 26 ans dans la prestigieuse revue américaine « Esquire » en tant que directeur artistique avec son ami peintre Jean Laguarrigue. Il y rencontre à la rédaction le grand photographe Georges Lois dont il parle toujours avec émotion. A son arrivée au journal, celui-ci l’invite à un déjeuner au cours duquel un client à la table d’à côté, les photographie avec un Polaroid couleur. Celui-ci leur donne le cliché paraphé d’un W. C’est Andy Warhol . En fait il habitait à côté de leur hotel sur la 34ème rue. A ce propos, une reflexion sur la ressemblance évoquée plus haut entre la Renaissance européenne et l’Amérique de l’époque : l’illustre Titien aurait envoyé une lettre à un Prince Italien lui disant qu’il avait peint une vierge en la lui proposait pour 100 ducas. Ayant reçu l’accord de ce Prince, il s’empresse d’écrire au Pape pour faire monter les enchères à 200 ducas. Des historiens de l’Art affirment que le Titien n’avait pas encore peint le tableau. A côté de cela , Andy Warhol à écrit « gagner de l’argent est un Art, et les affaires bien conduites sont le plus grand des Arts ». C.Q.F.D. puisque Jean-Paul goude est de ce monde. A son retour en France il multiplie les spots publicitaires: Kodac, Perrier etc… Sa renommée s’élargie. D’ailleur c’est plus la renommée que l’Art qui l’a fait choisir par François Mittérand pour le défilé du bicentenaire ( dixit Jean-Paul Goude) mais c’est ce qui l’a fait connaitre mondialement

De figuratif en figuratif photographique.

Contrairement à beaucoup d’artistes de l’époque qui au cours de leur carrière sont passés du figuratif à l’abstrait, J.P.Goude ne s’est jamais départi de son attachement à l’image. Lorsqu’il a eu un contrat à 21 ans avec le « Printemps » c’était comme dessinateur de mode et si plus tard il a évolué, c’est vers le dessin publicitaire et l’illustration. Depuis qu’il ne produit plus que des photos et des films, c’est toujours avec un crayon où un feutre à la main. Pour élaborer ses photos il n’arrête pas de dessiner. Et ses dessins sont toujours aussi superbes. Pour cette nouvelle série de 9 photos d »Harper’s Bazaard » Jean-Paul Goude n’échappe pas à cette règle. A quand un recueil exhaustif de ses dessins de carnet?

Jean-Paul Letellier dit l’ermite. Juin 2015

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